•  


    Septembre 2012

                 "Fans de radis"
     


    1er octobre 2012

    Interview complète de Marie-Monique Robin

     

     

     

     PRESSE


    Courrier de l'Ouest - 25 septembre 2012

     

     



           Nouvelle République - 25 septembre 2012

     

    Courrier de l'Ouest - 28 septembre 2012

     Nouvelle République - 28 septembre 2012


    Courrier de l'Ouest - 29 septembre 2012

     


    Nouvelle République - 30 septembre 2012

     


    Courrier de l'Ouest - 30 septembre 2012

     


    Nouvelle République - 30 septembre 2012

     


    Courrier de l'Ouest - 2 octobre 2012

     

     

     


    Courrier de l'Ouest - 3 octobre 2012  

     

     ALBUM PHOTOS
    de Bruno Fillon

     

     

    Suite à la projection du film "Les moissons du futur" de Marie-Monique Robin, Pénélope Roullon est montée sur scène à la demande de la journaliste.
    Dans le cadre de ses études, elle a suivi un stage dans la ferme biologique de M. Kaneko, au Japon.

    Voici son témoignage :

    Je m’appelle Pénélope, je suis étudiante en master de Japonais à l’INALCO (anciennement « langues’o »), et j’écris actuellement un mémoire sur le système des Teikei et l’agroécologie au Japon. Dans le cadre de mes recherches, j’ai donc effectué un stage de deux mois dans la ferme de M. Kaneko – que l’on voit à la fin de ce film – et c’est pourquoi j’ai fait une brève apparition sur scène lors du débat-conférence qui a suivi l’avant-première. Mais, saisie par la surprise, l’émotion et la nostalgie de revoir toutes ces images, j’en ai oublié la question qui venait d’être posée et je n’ai pensé qu’à faire part de mon admiration pour toutes les personnes que j’avais rencontrées là-bas. De ce fait, ma réponse a sans doute été mal comprise, et je tenais donc à m’expliquer et apporter quelques précisions sur le sujet pour qu’il n’y ait pas de malentendus.

     

    Tout d’abord, M. Kaneko a commencé l’agriculture biologique tout seul et dans un milieu où les épandages aériens de pesticides étaient très fréquents. Alors oui, dans une terre que l’on avait tuée en la vidant de ses précieux micro-organismes, il faut l’avouer, les débuts sont difficiles. Et c’est d’ailleurs pour cela qu’il est important de renforcer les aides à la reconversion. Parce qu’après avoir largement répandu tous ces produits issus de la guerre en imaginant que cela arrangerait les choses, je pense qu’il faut savoir reconnaître ses erreurs et faire son possible pour les réparer. M. Kaneko est un très bel exemple de réussite. Car, même s’il est parti de rien et n’a bénéficié d’aucune aide financière, ses efforts et sa persévérance font qu’il est maintenant devenu totalement auto-suffisant. Il réutilise ses propres semences, car rien ne l’interdit au Japon ; ses vaches, ses poules et ses canards sont entièrement nourris avec les produits de sa ferme ; et en plus du marché « bio » qui a lieu tous les dimanches, et des deux petits magasins de la ville où il vend des légumes tous les jours, le rendement de ses champs lui permet également de livrer - avec une petite camionnette qui roule à l’huile de friture recyclée - des paniers entiers de fruits et légumes à une trentaine de familles qui vit dans les alentours. Une autre chose intéressante : le petit restaurant dans lequel le repas du lundi est toujours entièrement fait des produits de la ferme… Mais je m’excuse, je m’égare et finalement je ne réponds toujours pas à la question.

    M. Kaneko a donc travaillé dur pour en arriver là, mais son succès est tel que tous ses voisins ont fini par prendre exemple sur lui et abandonner les pesticides et engrais chimiques pour se tourner eux aussi vers l’agriculture biologique. Ogawa est maintenant l’une des villes du Japon où il y a le plus de « producteurs bio ». Grâce à cela, il a pu constater que les nombreux insectes, reptiles et oiseaux qui avaient disparu sont finalement petit à petit revenus dans les environs. Preuve qu’il a donc enfin réussi à atteindre ses objectifs : devenir indépendant et redonner vie à la terre qu’il avait vu mourir au début des années 60. Il a alors commencé à écrire des livres sur son expérience et ses techniques, puis à héberger quelques stagiaires le temps de leur enseigner le nécessaire. Ces derniers sont bien évidemment nourris et logés, mais ils sont même considérés comme des membres à part entière de la famille, à qui l’on paye des sorties, des livres, et même des vacances. Et puis la vie là-bas est tellement agréable ! Quel plaisir plus grand que celui de côtoyer et cultiver la vie au plus près de ce qu’elle est ? De respirer l’air pur de la campagne et de rencontrer chaque matin tous les petits êtres vivants qui s’agitent avec nous lors des récoltes ? De semer, planter puis protéger ce qui va ensuite servir à nourrir des familles ? Alors oui, il faut se lever tôt, en même temps que le soleil et le champ des oiseaux. Oui, c’est physique, comme tout travail agricole. Et non, en tant que stagiaires, nous ne touchons aucun salaire si nous considérons que le salaire équivaut à une somme d’argent perçue chaque mois.

    Mais l’expérience que j’ai réalisée là-bas m’a apportée tellement plus que de simples billets dont je n’aurais pas su quoi faire. Et les stagiaires qui viennent passer un an ici sont très reconnaissants de pouvoir apprendre ainsi tout ce que leur enseigne M. Kaneko au fil des saisons. Car en effet le but de ce dernier n’est pas tant de produire énormément, mais plutôt de restaurer l’environnement de la région dans laquelle il vit, de recréer des liens humains entre producteurs et consommateurs, et surtout de former le plus de gens possible à cette agriculture qui est plus respectueuse du vivant. Ainsi les stagiaires sont généralement accueillis par groupes de 3 ou 4 pour une durée d’un an, et les liens créés ici - entre eux mais aussi avec les Kaneko - sont si forts qu’ils continuent à se côtoyer et s’entraider régulièrement après avoir commencé leur propre exploitation ailleurs, ou bien à enseigner tout ce qu’ils ont appris ici à d’autres. D’ailleurs c’est peut-être ça la grande différence avec la France : l’entraide... Tout le monde, ici, est prêt à venir en aide aux autres, sans rien demander en retour. Car l’humain ne peut pas vivre seul, c’est évident. C’est en s’unissant et en s’entraidant qu’on avance. Mais, malheureusement, dans notre monde actuel, nous en sommes rendus à payer les autres pour leurs services, souvent sans même avoir un contact direct avec eux… Bref. Toujours est-il qu’à cause de la géographie du pays, les fermes japonaises sont toujours toutes très petites. Il n’y a pas de très grandes exploitations, mais plutôt beaucoup de petits producteurs regroupés en de grandes coopératives agricoles au sein desquelles ils se réunissent régulièrement pour échanger.

    Alors j’imagine très bien le genre de réactions que certains ont pu avoir en apprenant que M. Kaneko avait des stagiaires… Mais je vous rassure, il travaille aussi avec des employés. Et comme je viens de l’expliquer, sa ferme est avant tout une ferme « éducative », dont le but principal est de former le plus grand nombre de gens à l’agriculture biologique. Il n’a pas eu la chance d’avoir des enfants, mais tous les ans il forme ainsi de nouveaux successeurs pour un milieu dans lequel il en manque terriblement. Et d’ailleurs, en ce qui concerne l’argent qu’il touche de sa production, il s’en sert principalement pour l’association dont il est président, la Zenkôku Yûki nôgyô suishin kyôgikai 全国有機農業推進協議会 , soit l’association nationale pour la promotion de l’agriculture biologique.

    Alors, « peut-on transposer ce modèle en France ? ». Eh bien, j’ai beau essayer de retourner cette question dans ma tête, je ne vois pas en quoi ce serait impossible… Avec les différences que j’ai citées plus haut, vous aurez sans doute compris que les fermes japonaises sont en majeure partie de petites fermes familiales, ou bien avec peu de personnel, qui ne font pas plus de deux hectares en moyenne pour être plus exacte. Ainsi, plutôt que de grandes exploitations avec de nombreux employés – qui sont payés car ils doivent à côté pouvoir se payer un logement, se nourrir, puis nourrir et éduquer leurs enfants… - on ne trouve donc ici que de petits terrains qui sont ensuite reliés par différents réseaux régionaux et nationaux. C’est une particularité propre au Japon. Sans entrer dans les détails, si on met ces aspects d’organisation des agriculteurs de côté, le fond du problème et la réponse à la question « peut-on nourrir les gens ? » restent les mêmes : avec les différents exemples qui nous sont montrés dans le film de Marie-Monique Robin, nous avons la preuve que l’agriculture biologique n’est pas seulement plus respectueuse de l’environnement et de la santé de tous, mais qu’elle permet aussi de restaurer la vie des sols que nous avons détruits, et ainsi produire de nombreux fruits, légumes et céréales sans aucun pesticides ni engrais chimique – ce qui dérange bien les grandes compagnies comme Monsanto.

    Alors la taille des exploitations et le nombre d’employés, je ne sais si ça change grand-chose, mais si on se met tous au bio et qu’on encourage les jeunes à se lancer en les aidant, je suis persuadée que c’est possible. J’ai 21 ans et je parle au nom de ma génération : nous sommes nombreux à contester le modèle actuel et à vouloir agir concrètement pour faire changer les choses. Et personnellement, pour avoir passé deux mois cet été dans la ferme de M. Kaneko, je peux vous assurer que c’est un vrai bonheur que de se lever tous les matins dans cette belle campagne et de prendre soin avec lui de cette terre vivante et fertile qui nourrit de nombreuses familles. Jamais je ne me suis sentie aussi bien que dans cet environnement, et j’en ressors déterminée à faire tout mon possible pour que le monde paysan – à qui l’on doit tous la vie – ne soit plus aussi méprisé qu’il l’est et reçoive enfin tout le respect qu’il mérite.

     Pénélope Roullon